Kråkmo (1)

Kråkmo (1)

Quand on arrive là, on n'est plus très loin du bout du monde, et on en a la nette impression. Mes accompagnateurs avaient pris en charge deux étudiantes françaises de la région Rhône-Alpes à qui des amis avaient donné l'adresse d'une auberge de jeunesse à Kråkmo. Comme nous n'avions rien trouvé qui y ressemble de près ou de loin, et il n'y avait guère l'embarras du choix, nous les avons hébergées pour la nuit. Le monde étant petit, comme c'est bien connu, l'une d'entre elles connaissait la femme d'un de mes copains d'armée qui était justement venue à Paris deux mois avant pour passer une agrégation: comme elle ne connaissait pas Paris, j'étais allé la chercher à la Gare de Lyon pour la piloter jusqu'à son hôtel et lui expliquer où elle devait aller pour son examen.
D'habitude, c'était François, le plus maigre de mes acolytes, qui rencontrait une personne de connaissance ici, là ou encore ailleurs, même en Norvège, et pour une fois c'était moi, enfin presque...
Le lendemain, je me suis levé le premier et suis allé me tremper dans un lac voisin afin que la croûte de poussière qui recouvrait ma peau se dissolve quelque peu. Quand je suis revenu, nos invitées étaient parties, ce dont je ne fus pas le seul à être surpris: elles n'avaient rien dit à personne... Nous ne les avons jamais revues, ce qui aurait été du domaine du possible dans un cas de figure où il n'y a qu'une route que tous les usagers empruntent dans la même direction.

Août 1970.