9.107 11

LA ROSE NOIRE

J’ai encore fait ce rêve qui m’obsède depuis quelques temps. Je suis dans une forêt, au petit matin. La brume habille les troncs d’arbres d’un voile laiteux, nuageux, ondulant, qui donne l’impression qu’ils se déplacent lentement, comme une foule silencieuse. Ils avancent vers moi, et j’ai peur. Le silence règne, entrecoupé parfois d'un hululement lointain qui renforce ce sentiment de danger imminent qui m’oppresse. Je me retourne dans mon lit, m’agite, marmonne, je suis en sueur et mes draps sont trempés. J’ai la sensation d’être éveillé mais je ne peux pas crier, ma voix meurt avant de sortir de mes lèvres, comme si un animal tapi au fond de ma gorge l’empêchait d’aller plus loin. Mais ce qui m’effraie surtout, c’est cette ombre qui s'avance lentement dans la brume. Au début j’ai du mal à distinguer cette forme, mais rapidement elle sort du brouillard et je la voie.
C’est ELLE ! Belle et vénéneuse comme une fleur dont le parfum vous envoute et vous fait sombrer dans la folie. Elle se rapproche de moi silencieusement, et plus elle avance, plus je me recroqueville au fond de mon lit, plus j’ai la sensation de me diluer, de rétrécir, de fondre. Je veux disparaitre, ne plus avoir cette peur au ventre qui me fait si mal, mais qui me fascine tant, qu'inconsciemment j’aime cette peur et je ne veux pas qu’elle s’éteigne, qu’elle m'abandonne.
Je la regarde s'avancer. Dieu qu’elle est belle ! Toute vêtue de noir. Une robe longue en dentelle la moule comme le ferait une seconde peau. Un chapeau noir aux larges bords d’où tombe une délicate voilette qui peine à dissimuler ses traits parfaits. Sur ce chapeau, une plume noire. Et enfin… cette rose... noire !
Elle s’arrête devant moi et son regard me transperce, un regard opaline, de brume et d’écume, et…
… Aïe ! Je me réveille sur le sol ! Je suis tombé du lit, emmailloté dans mes draps, en sueur. Ce rêve commence toujours de la même façon et se termine immuablement sans que je puisse reconnaitre ce visage qui m’obsède, et cela me met en rage à chaque réveil parce que je n’ai plus qu’une idée, me rendormir et la retrouver, malgré ma peur, malgré ma douleur, pour savoir enfin qui elle est. Saurais-je jamais qui est la Rose Noire de mes rêves ?

PS/ Certains auront peut-être reconnu la Milady de mes trois Mousquetaires, c’est bien elle. Sans dire que son visage m’obsédait, je dois bien reconnaître que j’ai été captivée, au point d’imaginer ce rêve dont elle est devenue l'héroïne.

Commenti 11