Qui trouvera ça beau?...
D’une chambre à soi, le 8 avril 2020
J’écris aux incarcérés du monde entier. Aux détenus de droit commun, aux emprisonnés politiques, aux bagnards, à ceux qui croupissent dans un cachot et qui ignorent pourquoi. J’écris aux femmes cloitrées, sous des voiles ou entre des murs, aux femmes empêchées de sortir, de se mêler aux autres, de toucher et d’être touchée. J’écris aux fous qui se tapent la tête contre des murs, qui ruminent des pensées vagues, qui pleurent d’une peine dont ils ne connaissent pas le nom. J’écris à vous, qui vivez sous blocus, dans les rues de villes en guerre, dans la terreur des bombes, des attaques, de l’ensevelissement de votre monde. J’écris aux médecins qui soignent dans les souterrains de Syrie des enfants rendus fous par la solitude et le confinement. J’écris aux trois millions d’enfants qui meurent, chaque année, de faim et de notre indifférence. J’écris aux réfugiés de toutes les guerres, à ceux qui sont nés dans des camps et pour qui le monde n’est qu’un rêve, un lieu lointain et qui ne veut pas d’eux. Ces camps où des enfants de huit ans se coupent les veines car l’avenir n’est qu’un mot, vide de lumière et de sens. J’écris à ceux qui vivent enfermés entre des barbelés et des check point, aux enfants de Gaza, du Yémen et du Venezuela. A ceux qui ne trouvent plus de stylos, ni de médicaments, à ceux qui ne peuvent apaiser les cris de faim de leurs enfants. J’écris à ceux qui grandissent sous des pouvoirs qui les broient, qui les empêchent de parler et de rire et pour qui la terreur est le nom du quotidien. J’écris à nos vieux, nos ancêtres, nos sages qu’on voit traîner parfois dans les rues de Paris, poussant un caddie à moitié vide. Ils ont les cheveux jaunes, la mine grise, ils n’ont parlé à personne depuis deux jours et à la caisse, ils entament la conversation, surpris d’entendre le son de leur propre voix. J’écris aux enfants bulles, aux malades, aux impotents qui connaissent la solitude ultime du corps, qui savent qu’il y a des douleurs qu’on ne peut partager. Des douleurs qui se logent dans les os, dans le sang, qui rongent nos chairs et que l’amour des autres ne suffit pas à apaiser. J’écris aux cadavres, ceux qui pourrissent dans la mer de mon enfance, ceux qu’on enterrent sous des pierres tombales qui ne portent pas de nom, sur les plages de Cadix, de Lesbos ou de Lampedusa. J’écris aux enfants qu’on met dans des cages, aux frontières de la plus grande démocratie du monde et qui la nuit, cherchent les bras de leur mère. J’écris aux femmes battues qui entrent chaque soir chez elles comme on entre en cellule, terrifiées par le geôlier qui les attend, le poing fermé, la matraque à la ceinture. J’écris aux vagabonds, aux clochards, aux femmes et aux hommes qui vivent sous la pluie et le vent. A ceux qui rêvent d’une chambre à eux, de quatre murs, d’une porte qu’on puisse fermer. D’un lieu d’où ils pourraient ne pas sortir et où personne ne pourrait entrer. Leila Slimani.
Les tambours du Burundi:Burundi black.
https://www.youtube.com/watch?v=iyTYWFuMV_0
Robert Buatois 13/04/2020 18:36
Tout est dit dans ce texte, mais je préfère le sabot lui au moins, reflète la beauté au contraire de cet écrit qui reflète l'horreur du monde.Amitiés
Robert
Dream30 10/04/2020 0:00
moi j'aime bien ! Ton texte est très fort BisesPatrick FEREC 09/04/2020 16:27
Sa'm'boteSYLDERO 09/04/2020 15:35
Je trouve " sabot"Et J'ai envie de pleurer en lisant ce texte.....
marinette.A 09/04/2020 15:02
Je trouve cela unique!quant au com , il prouve bien que le monde est mauvais,
tu nappes tout ça d'un virus, peut être en sortira_t_il meilleur ou plus réfléchi!
amitiés
BZ94 09/04/2020 12:17
MoiBen
Claudio Micheli 09/04/2020 11:09
Bellissima presentazione.Ciao
Emma M. 09/04/2020 10:28
chapeau !! ....Jifasch32 09/04/2020 10:17
Super...et ce n'est pas du sabotage...!JF
Sahoine 09/04/2020 10:03
Oui, un texte magnifique. L'image aussi !Amitiés. sahoine
Merci pour le lien.
Stinglhamber 09/04/2020 10:00
Ce sabot est le soulier de toutes tes préoccupations, tu marches avec le monde... J'aime !